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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 20:20

François Morellet chatouille l'architecture du Louvre par Marie-Anne Chenerie

 

 

            Le Louvre, vous connaissez, pensez vous , vous y aimez, selon votre tempérament, les   vastes salons aux lourdes et sombres tapisseries, les salles dallées où résonnent vos pas         intimidés devant tant d'antiquités illustres, les merveilles des portraits italiens , où le regard      d'un jeune Florentin vous saisit pour ne pas vous lâcher . Et peut être aimez vous aussi,             comme moi, ses coins calmes, où l'on ne croise qu'un gardien venu se dégourdir les jambes       et qu'aucun guide ne signale : l'escalier Lefuel est de ces lieux -là .

           

Construit au XIXème siècle , il relie trois espaces du Louvre , et l'on ne s'y arrête guère .

Si vous êtes pressé  ( il y a tant de choses à voir, n'est ce pas ? ) , ou si vous n'êtes pas      averti , vous ne remarquerez peut être même pas cette merveilleuse lumière  faite de blancs      aux différences subtiles et ces lignes  discrètement perturbantes.morellet vitraux 2

 

            Vous êtes devant la dernière commande publique du Louvre ( après Anselm Kieffer et avant      Cy Tombly ) à des artistes contemporains   et c'est pour moi une des plus réussies, car à la  fois respectueuse du cadre et de son passé , très légèrement décalée, et très délicate .

 

            Cette oeuvre reflète d'ailleurs le caractère de François Morellet, personnage attachant : 84          ans, né à Cholet, autodidacte,  un des maitres de l'abstraction géométrique, un peu difficile           d'approche, direz vous , mais aussi et surtout personnage souriant, modeste et plein                                                                     d'humourmorellet 5 .Il dit :

 "J'avais visité le Louvre avec le lycée Charlemagne. Pour moi, c'était rayé, assimilé aux             professeurs. J'étais un jeune couillon "

 Et puis, 70 ans plus tard :

            "J'ai utilisé une technique du Moyen-Age sur des ferrures du XIXe pour faire une oeuvre du    XXIe siècle. J'ai voulu faire une chose discrète que beaucoup de visiteurs ne  remarqueront      pas. C'est une fantaisie, un  chatouillis dans ces ferrailles qui étaient un peu tristes pour ce joli escalier.....Je suis de plus en plus frivole en vieillissant".

 

            Quelle merveille de subtilité , de décalage: une oeuvre réussie doit nous interroger, nous déstabiliser , nous surprendre, parfois durement, comme le font certains artistes          contemporains  . Ici François Morellet a choisi la douceur et peut être l'humour et a atteint       son but. N'a-t-il pas d'ailleurs intitulé sa création « L'esprit d'escalier? »

 

           Alors, la prochaine fois que vous allez au Louvre, prenez quelques instants pour parcourir  l'escalier Lefuel; vous pouvez même vous asseoir sur les marches,  lever la tête pour voir     ces lignes du dessous et même , enlever discrètement vos chaussures pour reposer vos pieds           fatigués, puis repartir, comme nettoyé par cette blancheur . Vous avez rencontré l'Esprit de  

l'Escalier .

Musée du Louvre ( nous vous recommandons l'entrée par la galerie commerciale  dont l'entrée se trouve rue de Rivoli) , métro palais royal
Escalier Lefuel
tlj 9h 18h sauf mardi , nocturne mer et vend jusqu'à 22h
entrée 9.50 €, TR 6 € , gratuit le premier dimanche du mois  
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24 janvier 2010 7 24 /01 /janvier /2010 19:25

«  Tu seras un homme , mon fils ! » Par Marie Anne Chenerie

 

            Le Musée Dapper expose «  l'Art d'être un Homme » :l'art d'etre un homme afficheEn Afrique comme en Océanie, l'homme apparaît rarement sans ornement. 


L'exposition est riche, avec de nombreuses références religieuses ou sociologiques, mais je souhaite ici souligner l'entrée de l'exposition : d'étonnantes photographies .

            C'est  l'univers de la SAPE ( Société des Ambianceurs et des personnes Elégantes )  des hommes congolais . Les Sapeurs revendiquent le luxe ostentatoire, l'arrogance vestimentaire,  la religion de l'habit : arrogance ou dérision , dans u pays où la misère est partout présente . Bijoux, lunettes noires, pantalons, chaussures, vestes, manteaux et même slips... rien n’est laissé au hasard.

            Voyez cette video , qui illustre la transformation du travailleur en Sapeur , ce dandy africain , souvent sans le sou, qui marie les fringues de luxe et les fringues récupérées, dans un raffinement voyant .

 

            Paris est la capitale de cette mode , où l'art de paraître compte plus que tout : ne manquez pas la boutique «  Connivences » , dans le 18è arrondissement , c'est la SAPE absolue

            Mais cette importance attachée à la parure , au vêtement pour l'homme , extrême dans la SAPE, est fondamentalement africaine, comme le rappelle cette belle  exposition au Musée Dapper et comme le résume cette photo traditionnelle afrique trad : lors d'une fête annuelle , les chefs du village président la cérémonie: pagnes en tissage et en wax -print ( un imprimé textile, utilisant différentes techniques d'impression comme l'impression à la cire ) se partagent leurs faveurs .

            Oui, les hommes sont beaux !

 

 

Infos pratiques L'Art d'être un homme, Afrique, Océanie :
Dates : du Jeudi 15 octobre 2009 au 11 juillet 2010
Horaires : 11h00 / 19 h sauf le mardi
Lieu : Musée Dapper
Adresse : 35bis rue Paul Valéry
Ville : Paris 75116, métro Victor Hugo

 

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 22:28

Les dessins de Delacroix: l'essentiel en quelques lignes par Marie Anne Chénerie

 

 

            Si vous aimez les dessins, allez voir la collection «  Karen Cohen »  au Musée Delacroix.

 

            Pour moi, Delacroix est, aussi bien qu'un grand peintre, un grand dessinateur, qui sait nous donner l'essentiel d'un mouvement, d'une ambiance, d'une action,  avec une grande sûreté. La rapidité de son trait est garante de l'intensité de son expression.

  delacroix fauve

            Cette « spontanéité » est le fruit d'un  travail minutieux, assidu, comme le prouvent également ses très nombreuses études d'anatomies delacroix anatomieset d'écorchés; ce savoir lui permettra d'un trait de crayon,  ou d'une ombre au lavis, de nous montrer l'angle exact de l'épaule  d'une femme surprise qui se retourne , ou le mouvement de la patte du fauve aux aguets  ou d'un cheval cabré  .

 

          






delacroix cheval











Delacroix dit lui-même: « Un artiste qui voit un homme tomber d'un toit doit avoir fini de le dessiner avant que le corps ne touche le sol ». Intensité et concentration : voilà ce que nous donnent à voir les dessins de Delacroix .

 

Informations pratiques


Une passion pour Delacroix

La collection Karen B. Cohen
16 décembre 2009 - 5 avril 2010

 Musée national Eugène Delacroix
6 rue de Furstenberg
75 006 Paris

Tlj sauf le mardi, de 9h 30 à 17h.

 

 

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 20:02
Soulages au Louvre ! On aura tout vu .... Par Marie Anne Chenerie

C'est mi-décembre, un vendredi à 21 heures , en nocturne au Louvre : peu de monde , une atmosphère calme, concentrée, presque studieuse : j'avais choisi cette heure et cet endroit pour me « reposer » de la foule des grands magasins et de la promiscuité agressive des transports ...L'envie d'aller revoir la peinture italienne , je me dirige donc vers « Le salon Carré » et là , quelque chose me dérange tout de suite : à gauche de la fameuse bataille de San Romano d'Ucello soulages 2, je vois un objet que je n'identifie pas tout de suite,tellement notre esprit est préparé à recevoir des choses attendues, dans ces galeries du Louvre, vues et revues, avec leur plancher usé, leurs murs d'une couleur improbable ( ici entre le saumon et le beige, une couleur triste qui « date son musée » ), l'éclairage des rampes de néon , et les échos des conférenciers ...Je n'identifie pas tout de suite une peinture, c'est une intrusion, un désordre , un trou ? , un chantier ? au milieu de ces ors et de ces velours ....

C'est en fait un grand et magnifique « Outrenoir » de Pierre Soulages soulages 1qui a choisi ce lieu d'accrochage .

Et voici que ce noir, puissant, brillant , qui accroche et renvoie la lumière , dorée ou bleutée , m'invite à voir , et même à regarder tous les autres noirs de la salle :les vêtements des jeunes hommes italiens bien nés , où les noirs du fond et du vêtement sont un écrin au visage, chef d'oeuvre mis en valeur par le col de dentelle blanc pur, visage lui-même concentré autour du regard , et surtout , voilà que je retourne à « la Bataille » d'Ucello. Je regarde autrement ce cavalier noir : mystérieux , certainement un prince de haute lignée, le seul qui s'expose sans heaume , celui qui va faire basculer la bataille, comme le roi Richard Coeur de Lion dans Ivanhoe Et ce ciel noir et tourmenté : orage, nuit ? Evidemment le présage de grands événements . ..

Et puis j'aime aussi le contraste entre les zones blanches , nettes du Soulages , comme de la lumière filtrant à travers des persiennes et ces masses de noir, presque des sculptures , un vrai défi pour toutes les courbes des tableaux qui l'entourent .

Soulages nous explique pourquoi il a choisi ce lieu d'accrochage
 , il nous dit toute son admiration de ces oeuvres et comment son tableau leur est « parallèle » ; certes parallèle, mais qui , par sa juxtaposition frontale , nous invite à regarder autrement les couleurs et les formes qui nous entourent . Cette intrusion a réveillé le Salon Carré.

Informations pratiques :
Le musée est ouvert tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi et les jours fériés suivants : le 1er janvier, le 1er mai et le 25 décembre. La fermeture des salles commence à 17h30 Nocturnes jusqu'à 22h les mercredi et vendredi (fermeture des salles à partir de 21h30). Plein tarif : 9 € , demi tarif et gratuité dans certaines conditions

A lire : Michel Pastoureau, Histoire d'une couleur : « Noir » Editions du Seuil , 37 € sur Amazon
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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 21:09

Les Camondo: de Constantinople aux plaines glacées d'Auschwitz par Marie Anne Chenerie

Le musée d'Art et d'Histoire du Judaisme présente « La splendeur des Camondo » , illustrant le parcours de cinq générations de financiers , mécènes , humanistes, artistes . Cette histoire d'une famille éclairée, puissante et généreuse , se termine à Auschwitz , sans descendance . Un seul lieu retient, comme dans un moment figé pour l'éternité , l'essence de ce qu'ont été ces hommes, ces femmes, leur culture et leur morale : c'est le Musée Nissim- de- Camondo, rue de Monceau à Paris .

J'ai choisi de vous décrire ici deux personnalités, deux hommes de cette famille , si opposés dans leur caractère , mais si sincères dans leurs convictions , deux cousins germains, Issac ( 1851/1911 ) et Moise ( 1860 / 1935 ) de Camondo .


 Isaac ,à gauche , et des amis musiciens, presque un « dandy » , extraverti, bon vivant , innovant, courageux dans ses soutiens et ses positions, généreux , mais certains diront aussi, éparpillé, souvent critiqué , parfois arbitraire ( mais l'arbitraire d'un collectionneur n'est-il pas justement cette part de personnalité indispensable , qui le différencie du choix que ferait un logiciel ? ) ; il fréquente les coulisses de l'opéra Garnier ; il aura deux enfants qu'il ne reconnaitra pas d'une chanteuse , mais qu'il soutiendra généreusement toute sa vie . C'est aussi un artiste ,compositeur , passionné par la correspondance des sons et des lumières .


Moise, dont la vie semble dominée, presque dirigée, par la mort de son fils Nissim à 19 ans, aviateur dans l'Armée française :il est réservé, conventionnel, fidèle , même au souvenir, discret , je l'imagine solitaire , « the sad fate of a gentleman » comme le dit un de ses contemporains.




Deux personnalités si opposées et qui ont pourtant en commun: l'amour de l'art , la passion de la collection . Leurs choix ont été guidés à la fois par le respect du passé qui s'exprime , par exemple dans le choix des peintres hollandais, ou les meubles du 18è siècle français , la tolérance et le respect de culture étrangère, ( au sens fort du terme, dans son étrangeté ) , avec la collection japonaise , l'ouverture sur le nouveau, parfois , à l'époque le scandaleux :les monotypes de Degas achetés par les Camondo sont d'une modernité étonnante, par exemple .   Bref, un éclectisme , le mariage du respect de la tradition et l'ouverture vers l'inattendu qui sont pour moi, la trace de très grands collectionneurs , qu'ont été ces Juifs venus d'Orient, chargés d'histoire et de tradition, et qui ont porté très haut le flambeau de la culture française, tout aussi également leur culture .

Ce que je trouve particulièrement intéressant , c'est la fin de l'histoire , si liée à leurs personnalités : Isaac a donné, légué , y compris de son vivant, avec toute sa générosité, il a soutenu, financé, dispensé sa vitalité et son argent . Moise , à la mort de son fils , s'est resserré, concentré sur l'hôtel de la rue Monceau , comme si ce petit palais devait servir d'écrin à sa douleur . Et c'est bien cette image que je retiens , l'Hôtel Nissim-de-Camondo sous la neige, vous y êtes invités, car Moise était généreux , mais « Ne faites pas trop de bruit, ici vit encore un père pour qui l'indicible s'est produit le jour où il a appris la mort de son fils unique »......

Indications pratiques : Musée d'Art et d'Histoire du Judaisme , 71 rue du Temple 75 003 Paris tlj sauf le samedi de 10h à 18h , nocturne jusqu'à 21h le mercredi Entrée : 7 €, TR 4.5 €

A voir aussi : Musée Nissim de Camondo 63, rue de Monceau 75 008 Paris du mercredi au dimanche de10h à 17h 30

A lire : Le dernier des Camondo Pierre Assouline Poche, environ 7 €
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11 novembre 2009 3 11 /11 /novembre /2009 22:47
Une histoire d'objets familiers par Marie Anne Chenerie

 Voici 2 peintures , a priori bien différentes , mais qui, toutes deux , représentent des objets de la vie domestique, objets familiers de l'artiste . Vous aurez reconnu bien sûr dans la première oeuvre une nature morte de Giorgio Morandi et , moins connu , dans la seconde, une nature morte « Tea Tins » de Louisa Dusinberre , qui a exposé récemment, rue des Abbesses à Paris.

Peu de points communs : le style et la taille des tableaux ( les nature mortes de Morandi sont petites, parfois très petites , celles de Louisa Dusinberre sont grandes, et même très grandes (presque 2 m de haut sur 1,60 m de marge ...) , la palette, la structure et , surtout la vie et le caractère des 2 artistes : Louisa Dusinberre est Anglaise, elle habite en France avec son mari – Américain, Giorgio Morandi est un Italien né en 1890 ; Morandi est décrit par ses contemporains comme un homme discret, voire effacé qui est né et est mort au même endroit, comme s'il n'avait pas davantage bougé que les pots et les boîtes qu'il peint. Il a vécu célibataire, auprès de ses 3 soeurs, dans un atelier monacal. Louisa Dusinberre est expansive, optimiste, rieuse , énergique, multi-culturelle , tous éléments qui côtoient aussi une certaine gravité .

Difficile d'imaginer 2 personnes plus différentes , et pourtant tous deux se sont attachés, à travers leur personnalité, à décrire ce qui leur est familier, dans le sens premier du terme: « qui est de la famille ». A l'origine, les dieux familiers, sont , chez les Romains, des esprits que l'on disait être attachés aux habitants d'une maison pour les inspirer et les diriger. Bref , des objets humbles, utiles, vus, intégrés, absorbés par le regard et le fait de vivre avec eux tous les jours, mais qui , sait-on jamais , protègent , voire dirigent la « famille » .

 Voici maintenant les objets réels qui ont donné ces peintures.
Que voyons nous ?
Chez Louisa Dusinberre , les boîtes, colorées , dansent , elles s'écartent , décollent , et dansent une danse individuelle qui vient se conjuguer avec les mouvements des boîtes voisines ; j'y associerais une musique de jazz . Chez Morandi, je trouve la stabilité , l'équilibre, la mesure, dans la palette et dans la composition, les objets sont resserrés, concentrés, un équilibre atteint mais qui est peut être le fruit d'une longue quête et, qui sait d'un long voyage de ces objets ; j'y associerais le silence .

Dans les 2 cas, les objets sont devenus abstraits, mais ils nous donnent à voir un monde bien différent , le reflet de l'âme de leur auteur . Voici bien la preuve que la peinture est un art unique , rencontre d'un sujet ( choisi par l'auteur et déjà ce choix est un premier élément de cette construction merveilleuse qu'est un tableau) , de celui qui peint et de celui qui regarde; cette conjonction, cette combinaison ne sera jamais la même et là est toute la merveille de la peinture : que jamais deux personnes ne peignent de la même façon le même objet , ni que deux personnes ne regardent de la même façon la même peinture .







Le site de Louisa Dunsinberre
http://www.louisart.net/
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